Par qui et comment cela a-t-il été découvert ?

Il y a une vingtaine d’années, le chercheur espagnol Francisco Mojica étudie une espèce de bactérie capable de s’adapter à des milieux très salés (Haloferax mediterranei). Lors de ses recherches, il découvre que l’ADN de ces bactéries présente une série d’éléments ou bases azotées qui se répètent à intervalles réguliers. Il leur donne le nom de « répétitions palindromiques courtes groupées et régulièrement espacées », dont le sigle anglais est CRISPR (1). Ces séquences ont été observées dans le génome de beaucoup d’autres bactéries et de divers micro-organismes.

Peu après, il a été découvert que les morceaux d’ADN qui se trouvent entre ces séquences CRISPR, nommés « espaceurs », proviennent de virus qui avaient infecté la bactérie et s’étaient intégrés à son ADN (2). Ces informations servent ensuite « d’aide-mémoire » à la bactérie en vue d’une nouvelle infection par le même virus. De la même manière, notre système immunitaire dispose d’une sorte de « mémoire immunitaire » des infections dont il a souffert par le passé. Ainsi, les bactéries obtiennent une sorte d’immunité acquise, à l’image de ce qui se passe dans le système immunitaire humain avec la formation d’anticorps (3).

Comment fonctionne ce système chez les bactéries ?

À côté de ces séquences CRISPR et de leurs espaceurs, il existe dans l’ADN de ces bactéries des gènes appelés Cas (de l’anglais CRISPR associated genes) qui codent pour des protéines nucléases capables de dégrader les acides nucléiques (4).

Globalement, ce « système immunitaire bactérien » fonctionne de manière à ce que lorsqu’un virus infecte une bactérie, les protéines Cas le détectent et lui retirent une partie de son matériel génétique pour l’introduire dans l’ADN de la bactérie, d’où l’apparition des espaceurs évoqués précédemment. Les informations contenues dans ces espaceurs sont ensuite copiées dans des molécules appelées « guides » qui se déplacent librement à l’intérieur de la bactérie. À partir de ce moment-là, la bactérie est « immunisée ».

Si le même virus infecte à nouveau la bactérie, il sera reconnu par les molécules guides, qui, à leur tour « avertiront » les protéines Cas pour dégrader le virus envahisseur et éliminer l’infection. C’est pour cette raison que cet ensemble immunitaire porte le nom de CRISPR-Cas (5).

Ce fonctionnement est très similaire à celui mis en place par notre système immunitaire. Quand les anticorps reconnaissent un antigène, ils provoquent l’activation des cellules immunitaires, telles que les macrophages (cf. article « les anticorps et leur rôle dans la réponse immunitaire » https://www.monsystemeimmunitaire.fr/les-anticorps-et-leur-role-dans-la-reponse-immunitaire/).

Autres fonctions de l’ensemble CRISPR-Cas

Le système CRISPR-Cas peut également protéger toute la colonie bactérienne. Ainsi, lorsqu’une bactérie est infectée et qu’elle ne parvient pas à éliminer le virus, le système tue cette bactérie pour éviter la dissémination du virus dans les autres bactéries qui forment la colonie.

Dans les cas où la colonie bactérienne ne trouve pas de nutriments, le système CRISPR-Cas participe à la formation de spores qui permettront à la colonie de survivre jusqu’à ce que les conditions s’améliorent.

On a également observé que le système CRISPR-Cas aide certaines bactéries pathogènes comme Francisella novicida à ne pas être identifiées par le système immunitaire de l’hôte qu’elles vont infecter, ce qui augmente leur pathogénicité (5).

Pour conclure, cette découverte souligne l’importance du système immunitaire chez les êtres vivants, même les plus petits. Elle a valu à Francis Mojica de figurer parmi les personnes nommées pour recevoir le prix Nobel en 2017.

Bibliographie :

  • Sur Wikipedia [en ligne]. Disponible sur [https://fr.wikipedia.org/wiki/Clustered_Regularly_Interspaced_Short_Palindromic_Repeats]
  • Mojica, F.J, Díez-Villaseñor, C. García-Martínez, J. Soria, E. Intervening sequences of regularly spaced prokaryotic repeats derive from foreign genetic elements. J Mol Evol 2005. 60(2):174-182.
  • Barrangou R., et al. CRISPR provides acquired resistances against viruses in prokaryotes. Science 2007. 315(5819):1709-1712.
  • Jansen, R. Embden J.D., Gaastra W. Schouls, L.M. Identification of genes that are associated with DNA repeats in prokaryotes. Mol Microbiol 2002. 43(6):1565-1575.
  • Mojica F M. “Sistemas CRISPR-Cas, una revolución biotecnológica con origen bacteriano”. Consulté le 8 mai 2018. Disponible en espagnol sur [ https://www.youtube.com/watch?v=GOK6FkfmHdQ&t=870s ].

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